quarta-feira, 14 de outubro de 2020

Quand les nanos se mettent (un peu) à table

Fonte: aqui


L’Anses a rendu public, en juin 2020, son rapport sur les nanomatériaux que les industriels introduisent dans les aliments. Sa lecture est pour le moins inquiétante. Elle révèle à la fois la présence des nanos dans 900 produits alimentaires, l’inexistence du contrôle et la désinvolture générale qui profite de la faiblesse de la réglementation. Mais ce rapport reste en deçà des attentes.

Ce nouveau rapport de l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail). confirme officiellement que des nanoparticules manufacturées ont été introduites massivement dans les produits alimentaires sans précaution, alors que leur toxicité est suspectée, et même avérée dans certains cas. On le savait déjà mais il est bon de le répéter et de ne pas laisser la situation se banaliser.

On y apprend en particulier que sur les rayons des supermarchés, le produit contenant le plus souvent des nanos est le lait infantile ! Pourquoi ? Notamment pour éviter que leur poudre forme des agglomérats. Et les nanos sont très fréquentes aussi dans les aliments pour bébés. Traduction : dès la prime enfance, les nouvelles générations accumulent des nanoparticules industrielles dans leur organisme. Rappelons que leurs organes sont encore très vulnérables et que les nanos, du fait de leur minuscule taille, entrent facilement dans les cellules et pénètrent jusque dans le noyau où elles perturbent l’ADN. Effarant. Et nombre d’entre elles sont potentiellement cancérigènes et mutagènes… Autrement dit, les enfants en bas âge sont placés en première ligne et servent littéralement de cobayes.

Nanoparticules : des confirmations effrayantes

L’agence a répertorié les principales utilisations. Les nanos servent d’additifs pour « améliorer » l'aspect des produits, par exemple l’éclat des couleurs, et renforcer leurs propriétés gustatives. Elles sont aussi utilisées comme conservateurs. Par ailleurs, elles réduisent les coûts car, à moindre quantité que les substances classiques, elles ont plus d’effets. On en met aussi dans les emballages au contact des aliments.

Selon l'Anses, on compte aujourd’hui 37 substances référencées parmi celles utilisées sous forme nanoparticulaire dans les aliments. Elle confirme l’usage de plusieurs de ces dernières, tels le carbonate de calcium, le dioxyde de titane (interdit depuis le 1er janvier 2020), des oxydes et hydroxydes de fer, le silicate de calcium, les phosphates tricalciques, les silices amorphes synthétiques… La trentaine d’autres, suspectée à des degrés divers mais moins bien documentée, comporte l’aluminium, l’argent, le citrate d'ammonium ferrique, le mannitol, le phosphate de magnésium et d’os, l’or (pour des décorations de chocolats), les sels de sodium et de potassium, le silicium, le zinc…

Dans quels aliments en trouve-t-on ? Le registre national de déclaration obligatoire et d’autres sources disponibles ont permis de détecter les nanos dans des aliments de consommation courante et non des moindres. Au-delà du lait infantile et des aliments pour bébés, on en détecte beaucoup dans les confiseries, les céréales du petit-déjeuner, les biscuits apéritifs, les glaces et sorbets, les desserts surgelés, les barres céréalières, les viennoiseries et gâteaux industriels, les bouillons et les potages… C’est un argument de plus pour faire son propre potager ou se fournir auprès des agriculteurs bio.

Les aliments industriels concernés (présentés par ordre de fréquence des nanos, à partir du rapport de l’Anses, p. 95-96) :

  • Laits infantiles
  • Confiseries
  • Céréales
  • Barres céréalières
  • Viennoiseries et desserts surgelés
  • Bouillons et potages
  • Aliments infantiles dits « de diversification »
  • Glaces et sorbets
  • Chocolat et produits chocolatés
  • Apéritifs à croquer
  • Charcuterie
  • Panification croustillante et moelleuse
  • Produits laitiers frais et assimilés
  • Biscuits et gâteaux
  • Snacking surgelé
  • Produits laitiers
  • Plats cuisinés appertisés
  • Sauces condimentaires
  • Produits transformés à base de pomme de terre
  • Plats cuisinés frais
  • Plats cuisinés surgelés
  • Produits traiteurs frais
  • Sauces chaudes
  • Boissons rafraîchissantes
  • Compotes

Près de 900 aliments contenant des nanomatériaux ont été identifiés. L’Anses aggrave le tableau en précisant que la liste complète des aliments concernés ne peut être produite faute d'informations exhaustives… Car les industriels ne fournissent pas volontiers leurs données, et cela malgré l’obligation en France de les déclarer depuis 2013. Le rapport déplore la pauvreté des moyens engagés pour les contrôler et la faiblesse des sanctions pour les contrevenants.

De fait, cette déclaration obligatoire, loin d'être suivie par tous, fait l’objet de contournements de toutes sortes ; les producteurs s'engouffrent dans la moindre faille réglementaire. La coexistence de plusieurs textes au niveau national et européen permet aux acteurs de la filière de se faufiler. Ces textes comportent des définitions différentes des nanoparticules, définitions qui semblent faites pour dribbler le législateur, sans compter les proportions de nanos à partir desquelles on considère qu’il s’agit ou non de composants à déclarer (la Commission européenne ne veut retenir que ceux qui contiennent au moins 50 % de nanos !). Certains acteurs de la filière s’autorisent aussi des contradictions réglementaires pour ne pas respecter l'obligation d'étiquetage.

Est-on si étonné ? Les lobbys qui en sont coutumiers accusent les autorités de ne pas s’entendre alors qu’ils agissent au sein des commissions pour les diviser. Autre argument, celui qui consiste à dire que leurs fournisseurs de matières premières ne les informent pas sur les nanos qu’elles pourraient contenir. Ce qui parachève la difficulté de traçage.

Fatals refrains

Le rapport regrette que les études de toxicologie n’aient pas été réalisées ou approfondies avant la mise sur le marché afin de protéger la population. Les industriels ont en effet réussi ce stupéfiant hold-up sanitaire à coups d'arguments de compétitivité face aux autres pays, de menace de perte d'emplois et de fermeture d'usines de production. Les mêmes ingrédients que dans l’affaire de l’amiante, entre autres.

L’Anses a produit, depuis 2006, une longue série d’évaluations et de rapports sur les risques que les nanos font peser sur la santé humaine et sur l’environnement. En particulier des avis préoccupants sur les nanotubes de carbone, les nanoparticules d’argent et celles de dioxyde de titane. Qu'on en juge :

2006 : État des lieux des connaissances

2008 : Effets sur les travailleurs exposés

2008 : Nanoparticules dans les eaux

2010 : Nanoparticules dans l’alimentation humaine et animale

2010 : Les risques pour la population et l’environnement

2012 : Nanotubes de carbone

2015 : Nanoparticules d’argent

2014 : Risques liés aux nanomatériaux – Enjeux et mise à jour

2017 : Exposition alimentaire aux nanoparticules de dioxyde de titane

2019 : Dioxyde de titane sous forme nano

2019 : Risques liés à l’ingestion de l’additif alimentaire E 171

2020 : Caractérisation des nanos

2020 : Nanomatériaux dans les produits d’alimentation

Autant de rapports qui, soyons francs, étaient des alertes de plus en plus aiguës mais formulées en douceur pour ne froisser personne, conformément aux contorsions imposées aux agences de sécurité sanitaire qui doivent dire les dangers en usant de délicats entrechats.

Cela fait déjà une quinzaine d’années que l’Anses réclame une prévention sérieuse au regard des risques suspectés et avérés. Elle prend d’ailleurs soin, dans ce rapport comme dans les précédents, de rappeler qu’elle a demandé dès 2006 aux autorités politiques de limiter l’exposition des consommateurs et des salariés exposés sur les sites de manipulation des nanos. Une façon de dire qu’on ne lui fera pas porter le chapeau si le scandale éclate un jour et qu’on cherche les responsables. La sécurité sanitaire est aussi cela : l’art de protéger les experts contre les risques de procès en cas de crise et de répéter aux décideurs politiques qu’ils portent la responsabilité des faiblesses de la prévention.

L’Anses salue au passage le travail et les résultats obtenus par les associations et les journalistes mobilisés sur le sujet. L’hommage au monde citoyen n’est pas si fréquent dans les habitudes des agences, il mérite d’être souligné. Ce sont bien eux qui, en attirant l’attention sur ce problème explosif, notamment en dressant la liste de nombreux aliments contenant du nanotitane (E 171), ont permis de l’interdire totalement dans les produits alimentaires, le 1er janvier 2020.

Pour autant, il reste évident que l’agence marche sur des œufs. Elle reconnaît le caractère dangereux des nanomatériaux dans les produits alimentaires tout en se contentant de demander de nouvelles évaluations. Combien en faudra-t-il encore avant d’agir pour de bon ? Elle préconise aussi de les éviter « dans le cadre d’une approche graduelle, notamment en favorisant les produits sûrs, dépourvus de nanomatériaux, et équivalents en termes de fonction, d’efficacité et de coût ». On en sourirait si ce n’était pas gravissime. Cette formule filandreuse ouvre un flou qui permettra aux industriels de continuer à se moquer du monde. Et le flou est propice aux loups, aux ruses des acteurs du marché et aux louvoiements du politique. C’est très regrettable.

Tout ça pour ça. À nouveau !

Après plus de 2 ans de retard, ce rapport se révèle décevant. Une fois encore il accepte de perpétuer la confusion entre le rôle d’évaluateur du risque de l’expert sanitaire et le rôle de gestion du risque qui revient au décideur politique. Cette confusion dilue les responsabilités de chacun et permet ainsi de différer indéfiniment la mise en place du plan de prévention à la hauteur qui devrait s’imposer. C’est précisément ce flottement des rôles que les politiques entretiennent pour se disculper. Lui aussi qui a permis les grands scandales sanitaires des dernières décennies.

On est loin du moratoire que de nombreuses associations demandent d’instaurer au plus vite. En tout état de cause, l’introduction des nanos dans la production alimentaire ne se justifie que par des arguments bassement commerciaux, et sans doute à terme un très mauvais calcul pour les grandes enseignes de l’agroalimentaire dont l’image est déjà déplorable. Elle n’apporte rien d’utile aux consommateurs et l’expose uniquement à des risques. Ce pari avec notre santé est révoltant.

Quant à la question de la toxicité proprement dite des nanoparticules dans l’alimentation, l’Anses nous renvoie à la publication d’un avis définitif « fin 2020-début 2021 »Or, la toxicité d’une partie d’entre elles est connue depuis longtemps par les toxicologues qui en ont déjà répertorié les effets dévastateurs, contrairement aux producteurs de doute faisant le jeu des firmes qui commercialisent des nanos dans tous les secteurs en prétendant que la « nanotoxicologie » est balbutiante et qu’elle va devoir prendre le temps de procéder à de longues investigations expérimentales avant de rendre ses conclusions.

Le rôle décisif devra donc encore être joué par les associations citoyennes et les journalistes pour faire reculer le cynisme commercial de ces derniers et l’indifférence morbide des gouvernements pour la santé publique. Du moins quand les dérives sanitaires ne préparent pas des marchés fabuleux pour les fabricants de vaccins et de médicaments. Comme toujours…

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