L’Organisation Mondiale pour la Santé (OMS) ne serait-elle pas neutre ? L’enquête « L’OMS : dans les griffes des lobbyistes ? » diffusée sur Arte montre qu’il y a en effet de quoi douter. Pour cause, au cours des trois dernières décennies, la structure internationale a perdu son indépendance financière : Aujourd’hui, ses principales ressources proviennent de plus en plus de fonds privés et d’entreprises dont les intérêts dépendent de ses décisions. De quoi laisser craindre une prise d’influence sur des questions de santé publique.
« Entre analyse d’experts, détracteurs et défenseurs, langue de bois de son porte-parole Gregory Hartl et reportages sur le terrain, cette enquête livre une édifiante radiographie de l’OMS » promet Arte. L’enquête de 2016 menée par Jutta Pinzler et Tatjana Mischke pour la chaîne allemande NDR a tout d’explosif.
Conflits d’intérêts en cascade
Le documentaire de presque deux heures met en lumière une réalité mal connue du grand public : la dépendance financière de l’Organisation Mondiale pour la Santé (OMS). Cette structure, qui se définit comme « l’autorité directrice dans le domaine de la santé des travaux ayant un caractère international au sein du système des Nations Unies », a pour objet l’amélioration de la santé dans le monde. Bien qu’elle ait toujours été financée pour partie par des mécènes privés, cette part ne s’élevait qu’à 20% dans les années 1970 : les autres 80% provenaient des États membres des Nations Unis. Or, aujourd’hui, la situation s’est inversée.
Ainsi, au regard des éléments apportés par l’enquête diffusée sur Arte, l’indépendance de l’OMS fait doute. En effet, contre toute attente, la structure est de plus en plus dépendante des financements en provenance de mécènes privés, comme Bill Gates ou les industriels pharmaceutiques, car elle manque d’aides publiques. Par conséquent, les conflits d’intérêts évidents se multiplient. Dans le même temps, « les faits s’accumulent : complaisance troublante envers le glyphosate – molécule active du Roundup cher à Monsanto –, que l’OMS a déclaré sans danger en dépit des victimes de l’herbicide, aveuglement face aux conséquences de la pollution liée aux compagnies pétrolières en Afrique, minoration des bilans humains des catastrophes nucléaires, de Tchernobyl à Fukushima, et des désastres de l’utilisation de munitions à uranium appauvri en Irak ou dans les Balkans. » La question est légitime : peut-on encore faire confiance à l’OMS, à ses rapports et à ses préconisations en matière de santé ?
Les experts appellent à une régulation
Pour étayer leurs propos, Jutta Pinzler et Tatjana Mischk reviennent sur différents dossiers sensibles, notamment celui du glyphosate, produit chimique utilisé par le géant de l’agro-alimentaire Monsanto dans ses pesticides. Dans le cas d’espèce , l’OMS avait déclaré en mai 2016 qu’il était « peu probable que le glyphosate provoque un risque cancérogène chez les humains qui y seraient exposés par l’alimentation ». Cette affirmation venait contredire les comptes-rendus du Centre international de recherche contre le cancer (CIRC) de l’OMS qui, un an plus tôt, classait la substance parmi les cancérogènes probables. Aujourd’hui, le produit ainsi que sa dangerosité continuent de faire de l’objet de nombreuses controverses.
Ce n’est pas le seul sujet de santé sur lequel le doute est permis. Ainsi, alors que l’OMS a signé une convention avec l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA), elle semble avoir minimisé le bilan humain de Fukushima. Le trouble existe également quant aux prises de décision sur des dossiers aussi sensibles que la lutte contre la tuberculose ou le virus H1N1.
Partant de ces constats, de nombreux médecins, experts ou associations dénoncent une situation insoutenable d’un point de vu scientifique et éthique. C’est le cas de l’association « Bund », en Allemagne, pour qui les décisions de l’OMS à propos du glyphosate sont influencées par les lobbyistes. Ces nouvelles révélation suffiront-elles à mettre fin à une dépendance nocive qui empêche l’OMS d’agir de manière claire et ferme ?
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